Ordinations sacerdotales du 19 juin 2011 en la Cathédrale St Pierre de VANNES

Publié le par Venez et voyez

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Messe d’Ordinations du diocèse de Vannes

Cathédrale Saint‐Pierre – 19 juin 2011 – Sainte‐Trinité

Homélie de Mgr CENTENE

Gwenael, Sébastien, vous allez recevoir l’ordination presbytérale et votre vie sera engagée pour toujours au service de Dieu et de l’Eglise pour le salut du monde, en ce jour où nous célébrons la fête de la Sainte‐Trinité, le mystère de la vie intime du vrai Dieu, Père, Fils et Saint‐Esprit.

En vous configurant au Christ‐prêtre, l’ordination que vous allez recevoir va insérer votre vie et tout votre être, d’une manière spécifique, dans le mystère de la Trinité.

Chacune des Personnes de la Trinité va donc vous marquer de son empreinte pour modeler votre vie, déterminer votre présence au monde, marquer votre attitude et conditionner votre action.

L’ordination renouvelle en vous la grâce de la filiation divine que vous avez reçue au baptême.

Elle vous marque du caractère ineffaçable qui vous configure au Fils, en tant qu’Il est l’unique Grand Prêtre, la Tête du Corps, le Pasteur du troupeau de Dieu, l’Envoyé du Père, le Rédempteur du Peuple et le Sauveur de l’humanité, pour que vous continuiez à travers le monde son oeuvre de salut et de libération.

Mais la geste du Christ n’a pu être écrite et son ministère n’a pu être efficace qu’en vertu de sa fidélité à la posture filiale.

Pour être, à sa suite et en Lui d’authentiques prêtres, il faut d’abord que vous soyez, avec Lui et en Lui, de véritables fils.

Le Fils est celui qui reçoit tout du Père et qui se reçoit Lui‐même. Il ne possède rien en propre : « Tout ce qui est à moi est à Toi » et pourtant il est pleinement comblé : « Tout ce qui est à Toi est à moi » (Jn 17;10).

Ainsi, votre vie spirituelle doit‐elle entrer dans ce double mouvement de dépossession totale et de certitude que rien, jamais, ne vous manquera.

Ayez tout à la fois l’humilité de celui qui sait qu’il ne possède rien en propre, qu’il n’a aucun mérite à s’attribuer, aucun crédit à faire valoir et l’audace apostolique de celui qui sait que la grâce, jamais, ne lui fera défaut pour réaliser l’oeuvre qu’il a reçu mission d’accomplir.

Accepter de ne rien avoir et de n’être rien que l’on n’ait reçu, c’est aller jusqu’à accepter d’être donné.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Ainsi, tout homme qui croit en Lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. »

(Jn 3;16).

La consécration filiale que vous recevez aujourd’hui et que vous aurez à cultiver toute votre vie, à vivifier par chacun de vos choix, à renouveler chaque jour à la lumière de la formation que vous ont donnée vos maîtres au séminaire de Rennes, fait de vous un cadeau de Dieu pour le monde, le gage de son amour pour les hommes.

« Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique. »

Que cette certitude vous aide à porter sur ceux vers qui vous serez envoyés, sur ceux à qui vous serez donnés, un regard bienveillant et lucide. « Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que, par Lui, le monde soit sauvé. » (Jn 3;17).

Que la bienveillance de ce regard vous apprenne à ne pas condamner le monde.

Que la lucidité de ce regard vous apprenne à discerner de quoi il doit être sauvé.

Être fils dans le Fils, c’est aussi être frère puisqu’il est « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8;29).

Avant que d’être prêtre et quoique vous le deveniez, vous restez des baptisés et c’est là votre premier titre de gloire.

La grâce sacerdotale s’exerce à l’intérieur de la fraternité baptismale, le prêtre se dévoue à faire vivre cette fraternité qui est liée à notre appartenance au Christ et, dans le Christ, au Père.

Toute vocation sacerdotale émerge et grandit à partir du terreau fertile d’une vie baptismale radicalement vécue.

La crise de l’identité sacerdotale, soit dans le sens de la sécularisation, soit dans le sens du cléricalisme, se nourrit d’une méconnaissance de la fraternité baptismale.

A la suite des Apôtres, le prêtre ne peut entrer dans la vraie fraternité qu’en devenant, jour après jour, disciple de Celui qui « n’a pas retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais qui s’est anéanti en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes, reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2;6‐8).

En devenant prêtre, vous demeurerez plus que jamais des frères.

Frères des autres prêtres avec qui vous constituerez un unique presbyterium, un corps sacerdotal, une fraternité sacramentelle et effective par‐delà les différences de générations, d’origines, de cultures, de sensibilités, de lieux de formation qui ne sont pas des obstacles mais une richesse à cultiver et à développer.

C’est dans la mesure où chacun pourra jouer la note qui lui revient que nous parviendrons à la plénitude de la gamme.

Frères de tous les baptisés auxquels vous serez envoyés sans les avoir choisis.

Frères de tout homme et de toute femme dont vous aurez à partager les épreuves et les espérances de la vie.

Le Fils auquel vous êtes configurés est l’image parfaite du Père.

« Dieu personne ne l’a jamais vu, le Fils unique qui est dans le sein du Père nous l’a fait connaître. » (Jn 1;18).

« Il est l’image du Dieu invisible » (Col 1;15).

« Il y a si longtemps que je suis avec vous, Philippe, et tu ne me connais pas ? Celui qui m’a vu a vu le Père. » (Jn 14;9).

Le prêtre est appelé à être père, c’est ainsi qu’on le nomme – « abbé » vient de l’araméen « abba » qui signifie « papa » – son rôle est de faire découvrir la paternité de Dieu.

Nous vivons dans un monde où l’image du père a été remise en cause de façon radicale.

Sous les coups de boutoir de la critique psychanalytique, marxiste et individualiste, l’image du père s’est estompée à l’horizon de notre société, nous en connaissons les conséquences dramatiques aux niveaux familial et éducatif.

Cette crise touche aussi l’Eglise dans ses profondeurs, elle se traduit non seulement par la critique systématique du Pape et de l’Institution, mais aussi, plus gravement peut‐être, par une sensibilité religieuse qui tend à s’arrêter à la nature humaine du Christ historique et à limiter l’Evangile à un message de transformation sociale en oubliant que le Sauveur est venu restaurer notre condition et notre dignité d’enfants de Dieu pour que nous puissions nous tourner ensemble vers le Père.

C’est dans ce contexte social et religieux que vous devrez donner à voir une véritable paternité.

Le Père est celui qui donne la vie, vous le ferez par l’annonce de la Parole de vie et par la célébration des sacrements qui communiquent la grâce incréée, c’est‐à‐dire la vie même de Dieu.

Le Père est celui qui fait grandir et vous aurez à coeur de construire le Corps du Christ en lui agrégeant de nouveaux baptisés.

Vous aurez à coeur d’aider chaque baptisé à découvrir le don singulier dont Dieu l’a comblé afin qu’il puisse le déployer, pour le bien de tous, en grandissant en sainteté.

Le Père est celui qui éduque, c’est‐à‐dire qui conduit à la liberté sans accaparer son enfant et vous saurez garder une juste distance dans vos relations pastorales.

Il y a des types de familiarité qui ne contribuent pas à désembrumer l’image du Père.

Se faire appeler par son prénom, se laisser tutoyer et claquer la bise à toutes les filles de la paroisse relève davantage du syndrome d’une adolescence prolongée que d’une paternité responsable et assumée.

La paternité du prêtre se déploie surtout dans la miséricorde qui accueille l’enfant prodigue pour le relever en lui restituant sa dignité de fils.

L’accueil est inutile sans le relèvement qui passe par l’annonce claire de la vérité.

La vérité peut demeurer inaccessible si elle n’est pas accompagnée par la charité de l’accueil.

Ces deux attitudes vous guideront dans votre zèle à donner le pardon de Dieu qui est toujours le fruit d’une démarche personnelle et d’une ouverture du coeur.

Parce qu’il est père, le prêtre est époux.

Dans l’Esprit‐Saint, le don de sa vie féconde et sanctifie l’Eglise.

Le prêtre est époux de l’Eglise, jusqu’à mettre à son service tout l’amour de son coeur, toutes les fatigues de son corps, tous les désirs de son esprit, toutes les joies de son âme. C’est la raison profonde de son bel engagement au célibat.

L’Esprit‐Saint fait de lui l’homme de l’Eglise. Cette alliance sponsale fait qu’ils ne sont plus deux mais une seule chair.

Imitez dans votre rapport à l’Eglise l’attention amoureuse d’un jeune époux. Ne vous contentez pas d’une fidélité formelle.

Apprenez à découvrir ce qu’elle aime, par une connaissance toujours plus approfondie de son magistère.

Apprenez à découvrir ce qu’elle désire par une attention délicate à sa discipline.

Selon la recommandation de saint Paul, chérissez‐là « comme votre propre chair »

(Ep 5;28).

Apprenez à la considérer avec estime, parlez d’elle avec admiration, avec tendresse et vous la rendrez aimable aux yeux de tous.

N’imitez jamais ceux qui sont à l’affût de ses rides et de ses flétrissures. C’est toujours le prélude à l’infidélité.

Après deux mille ans, si elle est un peu ridée, c’est parce qu’elle a beaucoup souri, si elle est un peu flétrie, c’est parce qu’elle a beaucoup pleuré.

Mais chaque fois que vous célèbrerez le Saint‐Sacrifice de la Messe, vous lui rendrez sa beauté et la joie de sa jeunesse éternelle si vous êtes prêts à donner votre vie pour elle.

C’est ainsi que le Christ « a aimé l'Église, il s'est livré pour elle ; il voulait la rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême et la Parole de vie; il voulait se la présenter à lui‐même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut; il la voulait sainte et irréprochable. »

(Ep 5;25‐27).

Tout cela est au‐dessus de nos capacités si nous ne l’accueillons pas comme un don : à genoux, avec un coeur de pauvre.

Seul un coeur de pauvre peut accueillir l’Esprit‐Saint qui fait toutes choses nouvelles et qui vous donnera de réaliser la mission dont vous vous savez humainement incapables mais que vous accomplirez, vaille que vaille, comme ceux qui vous ont précédés, comme chacun de nous, parce que ce n’est pas vous qui L’avez choisi mais Lui qui « vous a choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure. » (Jn 15;16).

Que la Vierge Marie, fille immaculée du Père, mère immaculée du Fils, épouse virginale de l’Esprit‐Saint, reine des Apôtres et mère du sacerdoce vous garde dans la fidélité. Amen !

+ Raymond CENTENE

Evêque de Vannes

de http://www.vannes.catholique.fr/index.php?module=cms&action=get&id=8

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A
<br /> Oui, très belle homélie ! Et je sais qu'elle a suscité bien des réflexions sur la relation du prêtre et des laïcs !!! Mais le rôle de l'Evêque n'est-il pas de transmettre la Vérité, même si cela<br /> va à l'encontre de certaines habitudes, et si cela dérange ?<br />
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Y
<br /> <br /> Voilà un évêque qui ne mache pas ses mots ! l'identité du prêtre est très belle ! Puisse cette homélie aider chacun à se responsabiliser vis à vis de nos prêtres !<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Il en avait fait une autre, beaucoup diffusée sur internet lors du dimanche des vocations disponible sur le blog à http://venez-et-voyez-jn1.39.over-blog.com/article-homelie-de-mgr-centene-pour-le-dimanche-des-vocations-76706511.html<br /> <br /> <br /> <br />